Comprendre les enjeux et impacts de la directive NIS2 sur les entreprises

Le numérique irrigue chaque strate de notre économie ; les menaces qui le ciblent ne cessent de proliférer. La directive NIS2 surgit dès lors comme un levier stratégique pour protéger les infrastructures vitales et solidifier la résilience collective. En exigeant des entreprises une gouvernance cyber proactive et des chaînes d’approvisionnement sécurisées, elle redessine le cadre d’une conformité exigeante.

Kincy, acteur engagé dans la transformation numérique sécurisée, vous propose une lecture approfondie de cette directive et de ses conséquences pratiques. Plongeons au cœur d’une réglementation décisive pour l’avenir de la cybersécurité européenne.

Illustration NIS2

Qu'est-ce que la directive NIS2 ?

Historique : de la directive NIS1 (2016) à NIS2 (2022/2555)

En 2016, la directive européenne NIS1 (Network and Information Systems) introduisait pour la première fois une approche coordonnée de la cybersécurité au sein de l’Union européenne.

À travers un socle minimal d’obligations, elle imposait aux opérateurs d’importance vitale (OIV) et à certains fournisseurs de services numériques la mise en place de mesures de sécurité renforcées ainsi que l’obligation de notifier les incidents majeurs.

Pour autant, l’application hétérogène de cette directive par les États membres a rapidement révélé ses limites, créant des disparités dans la résilience des infrastructures critiques.

C’est dans ce contexte perfectible que la directive NIS2, officiellement publiée en décembre 2022 sous la référence 2022/2555, voit le jour.

Elle ambitionne de combler les lacunes de la première version et d’élever le niveau global de cybersécurité à l’échelle des Vingt-Sept.

Objectifs de NIS2 : renforcer la cybersécurité à l’échelle européenne

La directive NIS2 établit un nouveau cadre juridique robuste, structuré autour de deux axes majeurs :

  • Rehausser les exigences minimales de cybersécurité pour les secteurs jugés critiques pour le fonctionnement de l’économie et de la société.
  • Harmoniser les pratiques nationales afin de construire un espace numérique résilient, capable de répondre efficacement aux cybermenaces transfrontalières.
     

Et pour cause, depuis 2016, le paysage numérique s’est profondément transformé.

La montée en puissance des attaques par rançongiciel, l’exploitation des chaînes d’approvisionnement, et les tensions géopolitiques exacerbées imposent une réévaluation des mécanismes de protection.

En 2023, près d’une entreprise française sur deux a connu une cyberattaque réussie (source : Baromètre CESIN 2024), illustrant l’urgence d’une réponse coordonnée et renforcée.

À l’évidence, la menace cyber n’épargne plus aucun secteur ni aucune typologie d’organisation.

Principaux apports de NIS2

illustration sécurité - directive

Harmonisation des règles entre États membres

NIS2 impose aux 27 pays de l’UE d’adopter des exigences comparables, limitant ainsi les écarts de maturité entre États.

Le processus de notification des incidents, les standards de sécurité ou encore les pouvoirs de sanction des autorités nationales convergent désormais vers un cadre unifié.

Cette homogénéisation vise à empêcher qu’une faille dans un pays n’affaiblisse la sécurité de l’ensemble du territoire européen.

Élargissement du champ d’application à plus de secteurs et d’entités

Contrairement à NIS1, NIS2 s’étend à un périmètre beaucoup plus vaste.

Elle inclut notamment :

  • Les administrations publiques.
  • Le secteur spatial.
  • La gestion de l’eau potable et des eaux usées.
  • Les infrastructures numériques.

Ainsi, plus de 150 000 entités en Europe devront se conformer aux nouvelles obligations, contre seulement 15 000 sous NIS1.

Accent mis sur la résilience de la chaîne d’approvisionnement

NIS2 instaure une obligation explicite d’évaluer et de maîtriser les risques liés aux prestataires et fournisseurs tiers.

Les organisations doivent intégrer la cybersécurité dans leurs processus d’achat, contractualiser des exigences claires auprès de leurs partenaires et auditer régulièrement leur conformité.

Pourquoi c'est une évolution majeure en termes de régulation de cybersécurité

Gestion proactive des risques : nouvelle approche de la cybersécurité dans l'entreprise

NIS2 engage les organisations à passer d’une posture défensive à une approche proactive de la gestion des risques.

Concrètement, cela implique :

  • D’anticiper les menaces et de les cartographier régulièrement.
  • D’élaborer des plans de continuité d’activité éprouvés.
  • De garantir la résilience opérationnelle, même en cas d’attaque majeure.

Interaction avec d’autres réglementations : vers une cohérence européenne renforcée

La directive NIS2 ne vit pas en vase clos ; elle s’inscrit dans un écosystème réglementaire cohérent et complémentaire :

  • DORA cible spécifiquement la résilience numérique du secteur financier.
  • RGPD impose une stricte protection des données personnelles, particulièrement en cas de violation liée à un incident cyber.
  • CER renforce la sécurité physique et numérique des infrastructures critiques.
  • Cyber Resilience Act étend les exigences de cybersécurité aux produits numériques connectés.

Par ailleurs, la directive institutionnalise la coopération entre les États membres via des mécanismes dédiés comme EU-CyCLONe (réseau de coordination des réponses aux crises cyber à l’échelle européenne) et l’ENISA (l’agence européenne de cybersécurité).

Les obligations à respecter

Illustration salle de réunion

Obligations de gestion des risques

La directive NIS2 impose aux entreprises de construire une véritable architecture de gestion des risques cyber, fondée sur des politiques formelles et des procédures rigoureuses.

  • Politiques de sécurité des systèmes d’information. Chaque organisation concernée doit formaliser des politiques précises encadrant la protection de ses systèmes d’information. Ces politiques englobent notamment les modalités de surveillance, de sécurisation des accès, de gestion des vulnérabilités et de traitement des incidents.

  • Gestion des incidents et continuité d’activité. Anticiper les perturbations devient une exigence structurante. Les entreprises doivent concevoir et tester des plans de gestion de crise et de continuité d’activité.
     
  • Sécurité de la chaîne d’approvisionnement et des sous-traitants. Désormais, les obligations de cybersécurité débordent largement le périmètre interne des organisations (prestataires, tiers, fournisseurs…).

Sécurité du développement et maintenance des systèmes. Le cycle de vie des applications et infrastructures numériques doit intégrer la cybersécurité dès la phase de conception. Cette approche « Security by Design » implique des pratiques telles que le chiffrement des données, la validation des mises à jour logicielles et le durcissement des configurations par défaut.

Obligations de gouvernance

La directive NIS2 ne se contente pas d’imposer des obligations techniques ; elle transforme la gouvernance des organisations : 

  • Responsabilité explicite des dirigeants. Les organes de direction assument désormais personnellement la responsabilité de la stratégie de cybersécurité.

Formation obligatoire des organes de direction et du personnel. La compétence cyber devient un impératif au sein des conseils d’administration et des comités exécutifs. Les membres dirigeants doivent suivre des formations spécifiques pour maîtriser les enjeux cyber et piloter les dispositifs de sécurisation avec discernement. En parallèle, l’ensemble des collaborateurs doit bénéficier de programmes de sensibilisation réguliers.

Obligations de notification des incidents

La réactivité constitue l’un des piliers de la nouvelle directive ; les délais de notification aux autorités compétentes se resserrent drastiquement.

  • Alerte précoce sous 24h. Dès la détection d’un incident majeur, l’entité doit transmettre une alerte préliminaire au CSIRT ou à l’autorité nationale compétente dans un délai de 24 heures.
  • Notification complète sous 72h. Dans les 72 heures suivant la détection, une notification détaillée doit être transmise, incluant :
    • La nature de l’incident.
    • Les impacts constatés et leur sévérité.
    • Le caractère national ou transfrontalier de l’événement.
    • Les mesures d’atténuation mises en œuvre.

Ce mécanisme vise à fluidifier la gestion de crise et à déclencher, le cas échéant, une réponse coordonnée au niveau européen.

Obligations de notification des incidents

Le régime de sanctions prévu par NIS2 traduit la volonté de rendre les obligations cyber réellement contraignantes.

Type d’entité
Montant maximal des amendes
pourcentage du chiffre d’affaires mondial
Entités essentielles (EE)
Jusqu’à 10 millions d’euros
2 % du chiffre d’affaires mondial
Entités Importantes (EI)
Jusqu’à 7 millions d’euros
1,4 % du chiffre d’affaires mondial

Qui est concerné par cette directive

Nouveaux secteurs couverts : élargissement de 10 à 18 secteurs

La directive NIS2 élargit considérablement le périmètre des secteurs concernés. Elle passe de 10 à 18 secteurs, en intégrant notamment :

  • L’énergie.
  • Les transports terrestres, aériens et maritimes.
  • Les infrastructures de marché financier.
  • La santé et les hôpitaux.
  • La fourniture et gestion de l’eau potable et des eaux usées.
  • Les infrastructures numériques critiques.
  • Les services numériques, y compris les plateformes cloud et marketplaces.
  • L’administration publique centrale et régionale.
  • Le secteur spatial.

Ce changement souligne l’ampleur du défi de sécurisation pour des secteurs jusqu’ici parfois peu régulés en matière de cybersécurité.

Nouvelles catégories d’entités

La directive introduit une distinction entre deux types d’entités, en fonction de leur criticité :

  • Entités Essentielles (EE) : ces organisations évoluent dans des secteurs hautement critiques. Elles sont soumises aux obligations les plus strictes en matière de cybersécurité et de contrôle.

  • Entités Importantes (EI) : ces structures, bien que moins stratégiques que les EE, contribuent au bon fonctionnement économique et sociétal de l’Union européenne. Elles bénéficient d’un régime d’obligations différencié mais doivent néanmoins prouver leur résilience numérique.

Critères de désignation

Deux principaux critères déterminent l’application de NIS2 :

  • Taille de l’organisation : l’effectif (nombre de salariés) et le chiffre d’affaires constituent des seuils d’éligibilité pour classer les entités comme EE ou EI.

  • Importance stratégique pour l’économie ou la société : même une entreprise de taille modeste peut être classée entité essentielle si son activité touche des infrastructures vitales ou des services critiques.

La logique sectorielle prime sur la seule logique économique.

Focus France : rôle de l'ANSSI dans le contrôle et l'audit

En France, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) hérite d’un rôle renforcé dans la transposition et la mise en œuvre de NIS2.

Ses missions incluent :

  • L’établissement de la liste officielle des entités concernées.
  • Le contrôle régulier du respect des obligations de cybersécurité.
  • La réalisation d’audits programmés ou inopinés.
  • L’émission de recommandations sectorielles pour soutenir les démarches de conformité.

Comment préparer son entreprise à NIS2 ?

Schéma préparation NIS2

Les 3 points clés à retenir :

  • La directive NIS2 élargit considérablement le champ des obligations en cybersécurité pour renforcer la résilience collective en Europe.
  • Les entreprises doivent structurer une gouvernance cyber rigoureuse, sécuriser leur chaîne d’approvisionnement et maîtriser la gestion des incidents.
  • Se préparer dès aujourd’hui, avec un accompagnement expert, constitue un levier stratégique pour renforcer durablement la compétitivité numérique.